Parce que Daïmon a toujours été un espace de liberté d'expression et de création, il ne pouvait se résumer à une revue. Il appelait davantage d'ouverture, aujourd'hui, qui plus est.
La Compagnie de la Fiction est née pour rouvrir la conversation autour de la fiction. Et pour affirmer qu'il est urgent de se souvenir que la narration, les mondes fictifs sont à la racine de notre culture. Sans eux, notre esprit s'assèche et donne naissance aux monstres inquisiteurs et dogmatiques dont nous voyons déjà pointer la tête.
"La fiction est un mensonge qui recouvre une vérité profonde : elle est la vie qui n'a pas été, celle que les hommes et les femmes d'une époque donnée ont désirée sans l'obtenir, d'où leur obligation de l'inventer." (Vargas Llosa)
Si Daïmon se dédie aux auteurs affirmés, La Compagnie se propose d'accueillir les écrivains qui veulent le devenir. Que les uns accompagnent les autres dans le mouvement vertueux de la liberté de l’imaginaire. Il n’est pas anodin si le numéro au chiffre infini de la revue – Daïmon 8 – à paraître au printemps 2023, se voue au Conte.
Ainsi, Daïmon est en chemin de préciser sa destinée première, affirmée dès 2018 : "faire advenir la rencontre". Sa raison et son nom ont toujours affirmé le désir de transmission et de partage du savoir littéraire sous toutes ses formes : écriture, lecture, critique, création, ad-venture. Cela, dans un espace préservé au mieux de l'influence de tout courant et toute idéologie, fuyant les phénomènes de mode, le mercantilisme, et se donnant ses propres lois.
La même question ad continuum : pourquoi écrire ?
J'ai cherché la réponse chez mes propres daïmons littéraires, ces écrivains qui vivent dans l'inconnu d'en moi.
"L'écrivain qui possède le don de création possède quelque chose qu'il ne maîtrise pas toujours, quelque chose qui parfois agit et décide étrangement par lui-même." Charlotte Brontë, lue avec émerveillement à mes quatorze ans, résonne dans cette idée daïmonique. Plus tard, Vargas Llosa, l'évoque également lorsqu'il dit : "L'authenticité ou la sincérité du romancier consiste à accepter ses propres démons et à les servir dans la mesure de ses forces." Et cette phrase de Carson McCullers que j'aime pour sa pureté : "L'écrivain de par la nature de sa profession est un rêveur et un rêveur conscient. Il doit imaginer, et l'imagination nécessite de l'humilité, de l'amour et un grand courage."
Je nourris, moi aussi, ce rêve d'une réalité qui renaît et se déploie sous des formes uniques et formidables, comme seule la fiction, comme forme d'art, peut l'imaginer.
Alors, il faut encore écrire de la fiction pour transformer la vie, pour donner corps aux idées, aux êtres idéaux qui peuplent notre esprit, pour proposer des visions de mondes possibles, pour persuader les autres de leur vibrance, pour se libérer de l'excès de réalité qui nous enserre, pour forcer la vie à se révéler sous d'inouïs aspects. Pour affirmer notre place dans le monde, pour dire la vivacité de notre âme.
Car quelque chose doit encore surgir de nos mots...
R.B.
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